À Plozévet le 5 juillet 1821
Très cher et aimable
Préfet du Finistère
Il s'agit du baron de Chaulieu qui avait été installé le 12 août 1820.
,
Quoique je n'ai pas eu l'honneur de vous connaître, j'ai ouï dire que vous étiez une personne importante mais néanmoins honnête et charmante.
Moi, le Guellec Charles, maire depuis l'an 8 jusqu'au 28 juin 1821, jour de ma destitution et de l'installation du nouveau maire,
j'ose me recommander à votre attention ainsi qu'à votre honnêteté et votre bienveillance.
Ayez la bonté de vous pencher un instant sur ce qu'a été ma conduite depuis mes 20 ans jusqu'à aujourd'hui, alors que je viens d'atteindre mes 87 ans.
Je n'avais pas 18 ans quand mon père mourut, ma mère ne savait que travailler de ses mains, elle ne savait ni commercer ni s'occuper des affaires.
Je fus obligé de me mêler de tout tant en affaire qu'en commerce...
Je n'avais pas encore atteint mes 21 ans quand Monsieur Callant, notre recteur à cette époque, me pria d'aider les procureurs terriens et les
collecteurs des capitations, telles que les contributions existaient alors, du fait qu'il n'y avait personne dans la commune en état d'occuper cette fonction,
tant pour faire les rôles que pour aider à en effectuer la perception, et ceci pendant 30 ans.
En outre je fus obligé de rédiger les délibérations [du conseil de fabrique] à la sacristie toutes les fois qu'il se trouvait
quelque affaire à décider dans la commune et ceci pendant 30 ans.
Et avoir été 5 ans sergent des gardes côtes du temps du Roi.
Et en outre avoir été capitaine de la compagnie du guet pendant 28 ans.
Et avoir été aussi sindic pour veiller et faire travailler sur les grand chemins dans le temps du Roy pendant 34 ans.
Touts ces embarras m'ont occasionné des dépenses et j'y ai passé beaucoup de temps.
Pendant la Révolution c'est moi qui ai été toujours désigné afin de me rendre aux endroits où on appelait
quelqu’un de la commune soit sur place soit au loin. C'était moi qui était député tant aux assemblées pour créer les départements
ou pour désigner les membres qui devaient alles à Paris pour décider des affaires du Royaume. J'ai toujours été désigné jusqu'à qu'il fut nécessaire de payer
300 frans de contribution pour pouvoir être électeur.
Et avoir eté pendant cinq ans membre du district de Pont-Croix avec monsieur Grimard Martin(*) de Douarnenez qui étoit alors procureur
sindic dans le distric.
Comme personne ne voulait percevoir les nouvelles contribution, ce Monsieur procureur sindic, m'a engagé pour les percevoir. Et je
l'ai fait pendant 7 ans.
Monsieur et très charitable préfet j'ai eu le malheur d'avoir été trois fois veuf et à présent avec ma quatrième femme
comme j'ai toujours été surchargé de travail j'ai toujours besoin d'aide; quand mes premiers sont arrivés en âge j'ai dû leur donner
leur part et me retirer avec ma femme actuelle dans un ménage où il y a eu baucoup d'embarras avec mes enfants
de bas âge car moi-même agé de 87 ans je ne peux plus rien faire.
Mais comme vous êtes un préfet très honnête et si important ayez la bonté de vous pencher un instant sur la conduite de ma vie
et aux embarras auxquels j'ai dû faire face ; arrivé à un si grand âge je crois avoir merité quelque recompence.
Ceci fait que je désire avoir la liberté pour deux garçons que j'ai eu de ma dernière femme, l'un âgé de 19 ans et l'autre
de dix sept ans et demi. Ils ne sont pas très grands et je désirerais qu'on les exempte du tirage au sort, ceci me soulagerait beaucoup
ou si cela n'est pas possible alors de m'autoriser à gérer le débit de tabac de la commune de Plozévet pendant une
cinquantaine d’années ; il est actuellement entre les mains d'un bourgeois sans enfants : ce dernier n'a jamais rendu ancun service à la
commune ni ailleurs et il demeure a Pont-Croix à une lieue et demie de la commune ; dans cent ans d'ici on en trouvera pas
un autre qui aura rendu tant de services à la paroisse en vraie conscience que j'ai rendu, soyez assuré que votre volonté sera faite.
Le plus grand tort dont on peut me blamer est d'avoir accordé trop de confiance à un foutu greffier, traitre et judas nommé Gueguen guapet ( ?) qui depuis qu'il
voyait que mes yeux étaient malades avait depuis longtemps négligé son ouvrage, et il m'a coûté cher de tout remettre en règle et
ça ne me serait pas arrivé si je n'avais pas perdu la vue. Ce traitre a su trouver la manière d'obtenir son traitement du
percepteur sans avoir eu des bons de ma part; il les a usurpés et a laissé son devoir à faire, il a pris 60 francs injustement.
Monsieur et très respectable préfet je vous salue du fond de mon cœur avec respect et confiance tout en vous souhaitant toutes sortes
de bonnes satisfactions que vous pouvez désirer dans ce monde et de jouir de la gloire éternelle au paradis après votre mort
et pareillement à madame votre épouse et à tous vos enfants, s'il plait à Dieu.
Votre très humble et très obéissant serviteur
Le Guellec Charles ex maire de Plozévet