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Rapport du préfet de Miollis sur la prison dans le Finistère en 1805
Du Préfet Miollis 5 messidor de l’an 13 (24 juin 1805)
Le Préfet du Département du Finistère».
En arrivant dans la capitale de votre Département, je
me suis empressé d'en visiter les maisons de justice et
d'arrêt. Elles m'ont présenté le spectacle le plus douloureux;
celui de la réunion de tous les malheurs ; de la misère
la plus extrême, des maladies et de l'immoralité, joints à
tout ce qu'offrent de déchirant la situation des accusés
innocens ou coupables, et celle du condamné qui attend
ou subit sa peine.
Vos prisons contiennent un entassement affreux ; le peu
d'étendue quelles ont y rend l'air très-méphitique, et les
maladies contagieuses infiniment fréquentes.
Les malheureux y sont privés de tout exercice ; une
seule cour, extrêmement étroite, est, dans chacune d'elles,
le seul moyen qu'on ait pour respirer un air plus libre ;
celle de la maison de justice est un cachot infect. Ce
n'est qu'avec beaucoup de peine qu'on fait jouir altenati-
vement, dans les deux maisons, les hommes et les femmes,
du foible avantage de ces cours.
La paille sur laquelle ces infortunés reposent leurs membres souffrants,
n'est pas suffisante, et les laisse presque
jonchés sur la terre.
Des haillons en lambeaux couvrent à demi le corps de
beaucoup d'eux. Point de couvertures, lorsqu'ils se jettent
sur leurs lits de douleur; point de capotes pour ceux qui
n'ont presque pas de vêtemens.
J'ai trouvé, dans la maison d'arrêt, une femme presque
au dernier période de la vie, dépouillée de tous vêtemens
et sans couverture , couchée sur quelques brins de paille ;
j'ai couru à l'hospice des malades, j'ai conjuré les ad-
ministrateurs de lui envoyer une couverture.
D'autres ayant un aspect cadavéreux et réduites avant la mort
à un état de dissolution, à la suite des maux qui sont la puni-
tion du libertinage, offriraient, à la malheureuse et facile
jeunesse, l'exemple le plus instructif, s'il était assez connu.
Des règles cruelles , communes à ces malheureux et à
ceux que la gale dévore, les éloignent des hospices, et
ne permettent pas à un officier de santé, plein de zèle
et chargé des prisons, de suivre l'impulsion de son cœur,
en leur administrant les adoucissemens convenables, objet
de ses réclamations.
Ces infortunés sont cependant détenus. Or, est-il de
contradiction plus affreuse , que celle qui retient un mal-
heureux et lui refuse néanmoins les moyens de guérison
qu'on l'empêche de se procurer ailleurs ?
On voit habituellement dans ces maisons, environ 70
femmes ou filles arrêtées pour cause de vagabondage,
n'ayant pu justifier d'un passe-port, et condamnées par
jugement à la détention, jusques à ce qu'elles soient
réclamées.
Nonobstant l’attention qu'ont eue les magistrats d écrire
aux familles, beaucoup de ces individus paroissent comme
oubliés. ( a )
(a) Cet oubli provient de ce que les familles ont connu la turpitude de ces femmes , ou ont
présumé en elles ce malheur d'après leur détention ; et de ce que le régime actuel des prisons ne
garantit point aux parens le retour aux mœurs.
Quelquefois les familles n'ont pu connaître la situation des individus qui leur appartiennent. Des
commissionnaires négligens ou illetérés (sic), sur-tout dans les campagnes du Finistère ou l'on trouve si
peu de personnes qui sachent lire, n'auront pas rendu les lettres qui leur ont été remises. Les
parens n'ont pu répondre ou auront mal adressé leurs réponses. Ces filles auront elles-mêmes,
ainsi qu'il arrive aux personnes du peuple, mal donné l'indication de leurs familles.
Des changements de domicile ont pu avoir lieu. Plusieurs appartiennent à des marins absens depuis long-tems et même à des militaires, dont quelques uns sont morts au service de l'état.
Les malheureuses, sur-tout celles dont le dévouement de la famille a causé l'abandon, méritent
toute pitié.
Enfin les dépenses du fisc ne doivent pas être aggravées par des détentions inutiles.
Les femmes qu'on réclame sont souvent les moins dignes
d'intérêt , et celles dont la santé et les mœurs doivent le
plus allarmer une bonne police. D'autres, qui ne sont qu'infortunées ,
ou que l'adversité aura suffisamment instruites,
croupissent souvent dans ces lieux , parce que les parens
n'auront jamais fait une démarche utile.
Dans cet état d'abandon, ayant pour société tout ce
qu'il y a de plus abject, les unes acquièrent des vices
qu'elles n'avaient pas, et les autres ont bientôt oublié les
bonnes résolutions que les premières épreuves du malheur
leur avaient fait former.
En attendant qu'une législation , qui se développe tous
les jours par de nouveaux bienfaits, ait prescrit des mesures
plus uniformes à 1 égard de ces infortunées, et mieux calculées d'après l'intérêt général, ( b ) les établissemens de
charité que nous allons former, n'interposeront leurs bons
offices pour la mise en liberté de ces femmes, qu'autant
qu'on aura acquis la certitude de leur santé, et après avoir
employé tous les moyens qui peuvent les rendre aux mœurs.
La première de ces précautions est ordonnée par l'intérêt
de la santé publique.
(b) Magistrat local, plus directement le témoin du désordre des mœurs, je me ferai un devoir
de demander moi-même des peines plus précises contre les excès sans nombre de ce genre", et la
graduation de celles du vagabondage.
Ainsi, par exemple, il serait d'un très grand intérêt qu'on fut autorisé à retenir définitivement,
ou pendant long-tems, les femmes qui auront été conduites, pour la troisième ou la quatrième
fois, dans les maisons d'arrêt, pour fait de vagabondage. Car enfin, une pareille conduite les
signale de la manière la plus déclarée, comme l'un des fléaux pestilentiels et destructeurs de la société.
Eh! de quelle haute importance n’est-elle pas dans toutes les parties de l'Empire, mais
plus spécialement dans les pays maritimes et auprès des
armées. ( c )
La seconde peut seule rendre durable le bienfait de la
première, en étouffant les germes du vice.
Elle concourra efficacement à faire cesser un scandale
public qui souille les yeux de l'innocence, qui enhardit
bien des êtres que la misère et le défaut d'éducation préparent aux chutes, détruit le physique et le moral, accable
de maux et porte souvent au crime.
C'est à la décence la plus délicate, et à l’amour des
mœurs le plus élevé, fruits précieux de la religion, qu'appartiennent seulement le droit et la gloire de finir la plus
malheureuse des infortunes, et de rendre à la société le
plus signalé des services.
Lorsque des personnes du sexe , choisies parmi les plus
récommandables et les plus graves , s'approcheront de ces
(c) Indépendamment du soin des mœurs publiques, qui est d'un si grand prix, et de la conser-
vation des familles , l'intérêt même du fisc exige impérieusement l'emploi des moyens que nous
avons indiqués. Sans eux, une foule de ces individus se sera bientôt mise au cas d'être ramenée dans
les prisons, avec de nouveaux frais de route à la charge du fisc, et de nouveaux dérangemens
pour la gendarmerie, après avoir causé des désordres, dont les conséquences sont infiniment plus
graves pour l’état chargé d'entretenir l’armée et de conserver sa santé, que ne peut l'être
dépense de la prolongation du séjour de ces femmes dans les maisons d'arrêt, si elle est déterminée;
d'après des règles uniformes et consacrée à la guérison de leur physique et de leur moral.
Cette dépense, qui doit en éviter d'autres vraiement immenses, paroîtra de la plus légère importance , si l’on considère que l'usage des mesures que nous allons employer, doit offrir au fisc
une indemnité partielle, dans le travail auquel les détenus seront soumis ;
Que l'établissement des infirmeries dans les prisons économisera les journées que l’état est au
cas de supposer aux commissions des hospices, pour des maladies aiguës, ou chroniques extrêmement fréquentes, et qui ne proviennent que de ce qu'un virus cruel, qu'on ne traite point au
fond,-se combine avec les moindres incommodités de ces personnes;
malheureuses et leur feront entendre les accens touchans de
la vertu, sortant de l'organe le plus pur qu'elle ait pour
s'exprimer, toutes les idées de bien et d'honnêteté s'éveilleront
dans leurs cœurs. Elles acquerront une nouvelle existence,
comme un feu éteint qu'une flamme vivifiante a ranimé.
Tous les genres d'infortunes que réunissent les prisons,
diminueront, n'en doutons pas, par la fréquentation des
personnes vertueuses, aidées des secours religieux.
Ceux-ci, qui sont les seules consolations qui restent
dans un malheur affreux, feront goûter des douceurs aux
individus amoncelés dans ces lieux, et emploîront, à leur
utilité et aux mœurs publiques, le tems de leur détention,
si on les y administre avec suite et liberté.
Ils peuvent adoucir beaucoup d'êtres féroces et rendre
leur retour à la société moins dangereux.
Ils seront un frein pour cette fille, jusque-là sans pudeur,
que le défaut de principes a laissé égarer. Dirigée par les
mouvemens de son cœur, une jeune personne a souvent
le bonheur de voir succéder dans le sien, à des penchans
vicieux, la plus noble des affections.
Idées sublimes, croyance bienfaisante d'un Dieu qui
doit atteindre là où les lois civiles sont impuissantes, sup-
pléer les çonnoissances permises aux Magistrats, où pourriez-
vous être plus utilement propagées, que dans ces lieux de
réunion de tous les penchans les plus malheureux et les
plus pervers, souvent causés par le défaut de toute instruction ;
dans ces lieux enfin où celui qui n'est pas corrompu, court d'aussi graves et d'aussi pressans dangers !
Le vœu de la loi n’est point rempli dans les maisons
d'arrêt et de justice, au sujet du travail qui doit y être
pratiqué par quelques uns, comme accomplissement de leurs
peines, et qui doit erre pour tous un moyen d'assistance
et de mœurs qui les rendra à l'utilité générale.
Ces deux maisons n'ont point de puits intérieur ni de
fontaine. On est obligé d'aller chercher fort au loin l'eau
qui leur est nécessaire. Le malheureux réclame souvent en
vain ce premier secours, pour appaiser une soif brûlante
et purifier ses haillons ; et l'on peut indiquer avec vérité
la privation qu'il éprouve à cet égard, comme une des
causes des maladies dépopulatives de ces maisons.
Aucun fonds ne pourvoit aux frais de route du mal-
heureux qui sort de prison. Pourquoi mettre la vertu fragile du coupable qui.a payé sa dette, aux prises avec les
besoins les plus urgens, et exposer celle de l'innocent acquitté , dont la détention a détruit les ressources ?
Je me fais ici un devoir de proposer à l'admiration
publique, par des motifs de justice et de reconnoissance ,
une famille pleine de sensibilité et d'honneur, qui pratique
les vertus les plus généreuses dans la maison de justice
dont elle a la garde.
Là, le concierge et son épouse se montrent dignes du
plus grand respect, s'élèvent à la hauteur du témoignage
honorable qu'on leur a donné, lorsqu'on leur a accordé la
garde des poisons de la société et le soin de l'homme
innocent qui gémit jour et nuit dans les cachots, en attendant
que des juges aussi vertueux qu'éclairés, dont le choix est
un bienfait du Prince, l'ait légalement acquitté.
Plusieurs autres personnes, et particulièrement des Dames
d'une vertu éminente, exercent aussi envers les prisonniers
des charités touchantes ; mais les secours qui leur sont
donnés ne sont que partiels, il faut les régulariser et les
généraliser.
J'apprends que les détenus sont très-malheureux dans
plusieurs autres maisons d'arrêt du Département.
Je vais mettre sous les yeux du Gouvernement le tableau
de leur misère. Je réclamerai vivement le changement ou
l’élargissement des prisons trop étroites.
Hélas ! quel est celui qui puisse dire qu'il n'habitera jamais ces séjours d'horreur? L'accusation peut planer sur
l'homme innocent comme sur le coupable. Des circonstances terribles ont souvent dirigé contre des êtres honnêtes
tous les indices d'un crime affreux.
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Le préfet
Vu l'exposé ci-dessus, considérant qu'il est de son devoir
d'aviser à la conservation de la vie des hommes, si cruellement compromise dans les prisons; de faire jouir les
malheureux détenus de tous les adoucissemens que réclame
l'humanité, et de leur donner le moyen de se rendre utiles
par leur travail ;
Que le traitement des prisonniers malades offre un bien-
fait à la société entière, puisqu'il est l'un des moyens les
plus efficaces de pourvoir à la santé publique; qu'il présente le plus grand avantage à l'état, en empêchant des
inconvéniens graves et dispendieux et des maux qui sont
souvent irréparables;
Que l'établissement d'une infirmerie dans ces maisons,
pour y traiter tous les maux des malheureux, économisera
les frais considérables d'hospices supportés à leur sujet
par le fisc, rendra le nombre des maladies dont ils sont
atteints moins considérable et moins dangereux, en détruisant un
virus cruel qui se combine avec toutes leurs infirmités et qui les aggrave et les multiplie; qu'il évitera les
embarras que cause leur garde dans les hospices et les
moyens d'évasion ;
Que les adoucissemens de l'humanité et les attentions
qui vont être données aux prisonniers, d'après l'organisation qu'on se propose, feront également disparoître une
partie de leurs maladies ; que les aumônes des fidèles viendront
au secours de la chose publique et doivent lui éviter la dépense du premier établissement et celle du linge;
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Que l’établissement du travail dans ces maisons, qui doit
avoir lieu en même tems que celui des infirmeries, offrira
des indemnités au fisc dans le tiers de celui-ci dont il doit
lui être tenu compte, d’après l'arrêté du
et dans l'économie que lui procurera le tiers de ce travail
gardé en dépôt , pour être remis aux prisonniers lors de
leur sortie, et qui dispensera le fisc des frais de route qui
autrement doivent être à sa charge ;
Qu'en s'occupant de corriger les mœurs des individus les
plus vicieux, on travaille au bonheur public, de la manière
la plus précieuse; que le fisc y trouve l'économie des nouveaux frais de traduction, de procédure et d'entretien aux-
quels les rechutes de ces personnes, lorsqu'elles ont malheureusement lieu, le soumettent nécessairement ;
Que le soin de traiter les détenus de tous les maux est
un devoir rigoureux, puisqu'on les prive de la liberté nécessaire pour pouvoir chercher ailleurs leur guerison ;
Que ce soin est prescrit par les lois et par les instructions
de son Excellence le Ministre de l'intérieur qui, en ordonnant que les médicamens, les bouillons et autres parties du
traitement seront accordés aux individus malades, n'exceptent aucune maladie;
ARRÊTE ce qui suit :
Art. I." II sera établi, dans la ville de Quimper et dans
chaque chef-lieu de Sous-préfecture, un bureau ou commission auxiliaire de bienfaisance pour les prisonniers.
ART. II. Ceux de Quimper et de Brest seront chacun
composés de vingt-quatre membres et les autres de seize.
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Art. III. Les membres de ces bureaux seront appelés
directeurs et directrices, et seront choisis, par égale portion, parmi les personnes des deux sexes, ayant de l'ai
çance et de l'instruction et les plus distinguées par leur probité, leur humanité et leur zèle.
Art. IV. Il y aura nécessairement dans le choix des
membres de chaque bureau, un prêtre, un médecin, un
chirurgien, un homme de loi, un notaire et un manufacturier ou commerçant.
Le nombre des personnes appartenant à ces professions, pourra être augmenté.
Art. V. Ces bureaux rendront chacun leurs comptes à
la commission de bienfaisance de leurs cantons.
Art. VI. La première nomination des membres desdits
bureaux sera faite par une assemblée présidée à Quimper
par le Préfet à Quimperlé, à Morlaix et à Châteaulin,
par le Sous-préfet, et composée de MM. les Présidens des
tribunaux et Procureurs impériaux, de MM. le Maire, le
Curé et le Desservant de succursale du chef-lieu de l'arrondîssement; dû membre le plus âgé de la commission des
hospices et d'un membre semblable du bureau de bienfaisance ; et dans la commune de Brest, par une assemblée qui
sera tenue chez M. le Conseiller d'état, Préfet maritime ,
sauf son bon plaisir, et à laquelle MM. le Commandant
d'armes, le Commissaire général de police, le Sous-préfet,
MM. les Présidons des tribunaux civil et de commerce,
M. le Procureur impérial, MM. le Maire et les Curés
de la même ville, le membre le plus âgé de la commission
des hospices et un membre semblable du bureau de
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bienfaisance, sont priés de vouloir bien
Délégué du Commissaire général de police fera partie
l'assemblée de Morlaix.
Art. VII. Le Préfet se réserve le choix de quatre des
Dames directrices du bureau de Quimper, appelle à cette
fonction les quatre Dames hospitalières du Saint-Esprit,
connues sous le nom de Sœurs blanches, et saisit cette
occasion pour leur exprimer publiquement la vénération que
lui inspirent leurs vertus, et sa reconnaissance des bonnes
œuvres qu'elles n'ont cessé de pratiquer dans les prisons et
parmi les familles malheureuses de cette cité.
Art. VIII. Chacun de ces bureaux s'assemblera tous
les lundis à deux heures de l'après-midi, pour s'occuper de
l'objet de son administration, dans un local faisant partie
du chef-lieu de l'arrondissement, qui sera mis à sa disposition par les soins du Sous-préfet, d'après les instructions
du Préfet et dont les bureaux ne supporteront point les
frais de location, et où l'on aura place, sans aucune reprise
contr'eux, les premiers meubles nécessaires à leur
établissement.
Art. IX. Lesdits bureaux nommeront respectivement, dans
chaque commune de leur arrondissement, deux personnes de
bonnes mœurs, d'une probité et humanité reconnues, pour
correspondre avec eux au sujet de cette administration, et
notamment pour les quêtes qui seront ci-dessous indiquées.
Art. X. Ils aviseront a procurer des moyens de travail
à tous les détenus, en établissant des ateliers communs dans
les maisons de justice et d'arrêt, ou en employant séparément
les œuvres des malheureux qui y sont renfermés.
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Art. XI- Ils se procureront successivement une certaine
quantité de linge, pour pouvoir fournir des draps aux malades et ensuite une chemise blanche à chaque détenu,
tous les quinze jours et même tous les huit jours, suivant
que les moyens des bureaux le permettront; ils pourvoiront
aux réparations et au blanchissage de linge ; lesdites fournitures en chemise ne devront concerner que ceux des dé-
tenus qui n'en ont point qui puissent être portée, et à qui
il aura été impossible de s'en procurer par leur travail depuis leur détention.
Art. XII. Ces commissions feront faire un fonds d'un
certain nombre de couvertures et de capotes. Les premières
seront consacrées aux malades et aux vieillards, et les autres
seront à l'usage des prisonniers qui n'ont pu , depuis
leur détention, se procurer des vêtemens par leur travail.
Art. XIII. Elles feront visiter, par le médecin de la
maison, les malades détenus que la nature de leurs infirmités ou des raisons de sûreté et de police publique, éloignent
des hospices, et leur feront fournir les remèdes, les bouillons et tous les soins nécessaires.
Art. XIV. Elles surveilleront la distribution du pain faite
aux prisonniers par les fournisseurs. Les directeurs de service
le feront peser devant eux et l'examineront intérieurement.
Art. XV. Les directeurs vérifieront aussi la qualité,
quantité et consistance des soupes qui doivent être fournies,
deux fois le jour, aux prisonniers par les entrepreneurs, jusqu'à
ce qu'on ait obtenu la permission que le Préfet va solliciter,
de faire administrer économiquement, sous l'inspection des
bureaux auxiliaires, cette branche du service des prisons.
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Art. XVI. Ils recueilleront la connoissance des faits
de sévices, des fautes contre les mœurs et des autres
qui pourraient se commettre par les concierges et leurs employés,
si malheureusement aucuns avaient lieu ce qu’on
est bien éloigne de présumer.
Art. XVII. Leur surveillance, qui s’etendra à toute conduite du concierge et de ses préposés, aura principalement
pour objet le prix auquel on fera payer les comestibles que peuvent demander particulièrement les prisonniers,
ainsi que les salaires qu'on s'arrogera pour leurs commissions.
Art. XVIII. Leur attention se portera aussi sur les
excès de tout genre qui peuvent avoir Lieu entre détenus.
Art. XIX. Les directeurs qui s'appercevront de quelques-uns des abus ou excès indiqués aux articles ci-dessus,
en rendront compte aussitôt et simultanément , à tous les
fonctionnaires chargés de la police directe ou supérieure
des prisons.
Art. XX. Les mêmes directeurs n'auront que la voie
de la représentation, dans les faits ci-dessus. Ils sont invités
à s'abstenir de l'employer envers les concierges devant
les prisonniers; sur-tout a ne pas blâmer, en présence de
ces derniers, les actes de rigidité auxquels se porteraient lesdits
concierges ; à exhorter les prisonniers à la tranquillité et
à la patience, en cas de mauvais traitement, sauf auxdits
directeurs d'en référer sur le champ à l'autorité.
Art. XXI Ils visiteront souvent les malheureux, les
consoleront , les engageront par tous les moyens de la
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persuasion, aux bonnes mœurs, au repentir de leurs fautes, tâcheront de leur faire former de bonnes résolutions
et les aideront de leurs conseils.
Art. XXII. Ils s'informeront de la cause de la détention
des accusés, auront l'extrême bienveillance de s'en entretenir avec eux, de solliciter auprès des magistrats, dans les
cas convenables, l'expédition de leurs jugemens.
Art. XXIII. Lorsque quelqu'un des accusés sera sans
défenseur devant les tribunaux, la commission chargera de
ce soin honorable l'un des hommes de loi ou notaires qu'elle
compte au nombre de ses membres, ou réclamera, pour
cet objet, le secours du bureau de consultation et de défense gratuite, établi par la loi du ou
chargera de cette fonction touchante un autre homme de
loi pris hors de ces établissemens, le tout du consentement
de l'accusé et avec l'agrément de M M. les Juges.
Art. XXIV. Ils tâcheront sur-tout de procurer aux
malheureux condamnés à la peine capitale, toutes les consolations qui peuvent diminuer leurs afflictions et soutenir leur
ame. Il est particulièrement recommandé au concierge de
laisser, dans des momens aussi tristes, communiquer ces
derniers avec leurs amis et leurs proches, le tout sans nuire
à ce qu'exige la police, la sûreté dans l'exécution des jugemens, ni contrarier, en aucune manière, les ordres don-
nés par l'autorité judiciaire.
Art. XXV. Les membres des mêmes commissions écriront,
par l'intermédiaire des magistrats civils et des Curés, aux
familles des individus qui sont condamnés à être détenus
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jusques à réclamation, en observant, à l'égard des femmes
et filles, que les médecins, chargés des maisons d’arrêt et
de justice, aient préalablement certifié par écrit, que les
dites femmes et filles ne sont point atteintes de la gale où
du mal vénérien ; ces certificats doivent demeurer annexés
aux délibérations indiquant les démarches à faire pour l'obtention
de la mise en liberté de ces individus.
Art. XXVI. Le Préfet sollicitera, auprès du Gouvernement,
l'admission d'une mesure d'après laquelle les tribunaux ne puissent
prononcer la mise en liberté desdites filles
ou femmes, qu'après un semblable certificat.
Art. XXVII. Les bureaux de bienfaisance n'emploieront
leur intervention pour solliciter et favoriser les mises en liberté
des condamnés jusques à réclamation, qu'autant qu'ils
auront l'espérance de pouvoir annoncer avec fondement aux
communes et aux familles, un amendement dans les mœurs
et généralement des dispositions à une bonne conduite de
la part des individus qui réclament.
Art. XXVIII. Ils feront munir d'un passe-port les détenus
qui seront élargis des prisons, contenant l'indication
de leur route pour se rendre dans leurs pays ou dans tout
autre lieu convenable, et leur donneront, avec modération,
quelques secours pour fournir à leur voyage, lorsqu'ils
n'auront d'ailleurs aucune autre ressource.
Art. XXIX. Ils proposeront les réparations qu'ils
croiront convenables aux bâtimens pour l'intérêt des malheureux ; ce qui sera indépendant de l'inspection qu'y
exercent les magistrats et les ingénieurs civils, pour leur
sûreté et conservation.
Art. XXX.
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Art. XXX. Les directeurs délibéreront seuls, sans le
concours des directrices, dans tout ce qui concerne l'administration
et la disposition des fonds, la comptabilité, et
seront chargés de la correspondance. Ils éliront, parmi eux
au scrutin , un secrétaire et un trésorier dont les fonctions
dureront une année et qui seront rééligibles, et nommeront
un agent extérieur.
Art. XXXI. Les dames sont chargées de la lingerie,
de surveiller la fabrication et la distribution des soupes et
le soin des malades.
Art. XXXII. Il sera fait un règlement pour déterminer plus particulièrement
les différentes fonctions des directeurs, des directrices, et leurs rapports respectifs.
Art. XXXIII. Les directeurs, au nombre de deux,
sont chargés, à tour de rôle et suivant l'ordre du tableau,
d'exercer, pendant une semaine, les fonctions de la commission, en ce qui concerne l'exécution de ses délibérations,
la poursuite de la rentrée des fonds, les paiemens à faire,
la surveillance et les secours à donner aux malheureux.
Art. XXXIV. Il y aura pareillement deux directrices
par semaine, pour les objets ci-dessus, dont la conduite et
surveillance conviennent aux dames.
Art. XXXV. En conséquence des dispositions de
l'article XXXIII, les directeurs et directrices se borneront à tout ce qui est d'exécution,
et ne feront aucune démarche et ne prendront sur eux aucune détermination, que
dans le cas où le délai devrait causer un grand détriment,
sauf d'assembler la commission le plutôt possible, ou dans
les affaires d'une très-petite importance.
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Art. XXXVI. Le plus âgé des directeurs de semaine présidera la commission et pourra l'assembler extraordinairement.
Art. XXXVII. A cause de la police de ces maisons;
et par des considérations d'ordre que MM. les directeurs
et Mesdames les directrices solliciteraient eux-mêmes, lors
même que la présente disposition de cet arrêté ne serait
point insérée ici, les seuls directeurs et directrices, en
exercice dans la semaine, et ceux particulièrement chargés
par le bureau d'y suivre quelque travail, auront l'entrée
des prisons; d'autres membres n'y pourront entrer qu'avec
une permission de la police. La commission s'y transportera
en corps, lorsqu'elle le jugera convenable.
Art. XXXVIII. Les articles relatifs à la fréquentation
des prisons et des accusés seront néanmoins soumis à toutes
les exceptions que les personnes chargées de leur police
et MM. les Juges croiront convenables d'y apporter, chacun d'eux suivant les droits et les devoirs de sa place dans
lesquels on n'entend point s'immiscer. Le Préfet se bornant
à les prier de concourir au bien de l'humanité, en laissant
subsister, amant qu'il sera possible, sans nuire au service,
l'intégralité des dispositions ci-dessus.
Art. XXXIX. D'après les mêmes considérations exprimées
-dans l'avant-dernier article et qu'auraient indiquées les directeurs et directrices eux-mêmes, les directeurs n'iront dans
les lieux où sont les femmes qu'accompagnés d'une directrice ; il en sera de même pour les directrices dans le
local des hommes.
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Art. XL. Le Préfet se concertera avec M. lÉvéque,
ainsi qu'avec M. le Commissaire général de police, pour
les mesures nécessaires à l'ouverture et au service des
oratoires intérieurs précédemment en usage des maisons
d'arrêt ou de justice.
Art. XLI. Tous les dimanches, à l'heure de vêpres,"
il sera fait une quête dans toutes les églises du Département où cet office sera célébré, c'est-à-dire dans les villes
chef-lieux de Préfecture ou Sous - préfecture, par l'un des
directeurs ou des directrices du bureau auxiliaire de bienfaisance , et dans les autres communes, par les citoyens
choisis dans leur sein dont il a été fait mention a l'art. VII.
Art. XLIÏ. Ii sera établi des troncs pour les mêmes
Objets, dans tous les temples, dans tous les locaux des
tribunaux et administrations, chez les percepteurs, chez
les notaires, etc.
Art. XLIÏI. Le Préfet s'engage à réclamer, auprès au
Gouvernement, les décisions qui doivent rendre la commission habile, toutes les fois que le cas se présentera,
a recevoir les donations entre-vifs ou les libéralités testamentaires qui pourront lui être faites par des personnes-
bienfaisantes.
Art. XLIV. Les commissions auxiliaires de bienfaisance
pour les prisons se joindront aux convois funèbres de tous
les citoyens des deux sexes qui auront été les bienfaiteurs
de ces établissemens, par leurs soins en qualité de directeurs , ou par des aumônes et des dons considérables pen-
dant leur vie, ou soit par des dispositions a cause de mort,
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ou dont les familles offriront auxdits établissement, pour
que k défunt participe à cet honneur, un don dont le
minimum sera déterminé.
ART XLV. Les noms des administrateurs et de ceux
qui auront été, par des dons importans, les bienfaiteurs
de ces établissements, seront à perpétuité placés sur des
tableaux exposés à la vénération, publique, dans le lieu des
séances de la commission, dans la salle de la Mairie et dans la principale salle de la Préfecture.
Art. XLVI. Immédiatement après la publication de cet
arrêté, il sera fait une quête extraordinaire dans tout le
Département; par les directeure et directrices, dans les
chef-lieux d'arrondissement de Préfecture eu de Sous-préfectures;
et dans les autres communes, par les personnesr
désignées en l'article VII, qui se porteront aux portes
des citoyens, et dont la recette sera employee aux premiers
frais d'établissement,
..Art. XLVII. Les fonds provenant des aumônes sus-
dites, appartiendront à la totalité des prisonniers détenus
dans les maisons d'arrêt et de justice du Département; le
Préfet se réservant de régler en quelle proportion chaque
bureau auxiliaire de bienfaisance doit y avoir part, suivant
le nombre de malheureux dont il est chargé.
Art. XLVIIL Le tiers du prix du travail de chaque
détenu sera employé à indemniser partiellement l'état de ses
fournitures. Un autre tiers sera laissé au prisonnier pour
l'aider dans ses besoins; le dernier tiers sera mis en dépôt
pour lui être remis lorsqu'il sortira, et exclura, s'il est,
l'aider dans ses besoins; le dernier tiers sera mis en dépôt
pour lui être remis lorsqu'il sortira, et exclura, s'il est
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suffisant le secours indiqué par l'article XXVIII, en
faveur des prisonniers élargis, pour leur donner le moyen
de faire leur toute.
Art. XLIX Le Préfet sollicitera auprès du Gouvernement , en faveur des prisonniers, pour remplacer à leur
égard le secours des bureaux auxiliaires mentionné audit
article XVIII, l'exécution de l'arrêté du 23 vendémiaire
an quatre, portant qu'il sera fourni, aux détenus sortant
de prison, une somme par lieue, jusqu'à leur arrivée à
leur destination.
Art. L. Les médicamens , la viande et les autres
dépenses qu'exigeront le traitement et le soin des malades
détenus, le tout dirigé avec économie, seront payés, aux
bureaux auxiliaires, sur leurs mémoires visés par l'Officier de
santé attesté par le Maire , et ordonnancé par le Préfet.
Art LI. Il ne pourra erre vendu, par le concierge,
plus d'une bouteille de vin ou de cidre, chaque jour, à un
détenu. La surveillance que le bureau y exercera sur les
détenus, aura particulièrement pour objet d’examiner s'ils
ne se serviraient point de l'entremise de leurs camarades,
pour se procurer une plus grande quantité de vin.
.Art. LII. L'usage de l'eau-de-vie comme boisson est
absolument interdit dans ces maisons. Les détenus qui auront été reconnus dans l'ivresse, et les prisonniers qui les
auront favorisés dans les moyens qui les auront conduits à
cet état, seront à jamais privés de vin et des autres liqueurs » et les employés aux prisons convaincus de la même
faute seront sévèrement punis.
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Art. LIII. II sera pris des moyens pour établir un
puits dans la maison de justice de Quimper, s'il n'est poinc
possible de se procurer incessamment un autre local.
Le puits existant dans la cour extérieure de la maison
d'arrêt de la même ville sera creusé de nouveau pour
le rétablir.
Personnes respectables des deux sexes, qui allez être
appelées à la fonction honorable de soulager les malheureux dans les fers, vous serez par-là élevées à la première
des magistratures, à celle de la bienfaisance. Vos fonctions
re seront point entourées de l'appareil de l'autorité; mais
loin que l'intérêt public vous mette jamais, comme il arrive
aux autres fonctionnaires, dans la cruelle nécessité de faire
verser quelques larmes, le vôtre n'est établi que pour les
essuyer.
Des malheureux innocens vous devront leurs consolations
et peut-être de les avoir absolument retirés de la situation
la plus déplorable.
Combien de victimes n'aurez-vous pas arrachées aux maladies et à la mort !
Vous allez porter les secours les plus honorables de
l'humanité et pratiquer les vertus les plu9 éminentes, puisqu'ils doivent comprendre même les individus qui s'en sont
rendus les plus indignes. Vos ames élevées par-là au degré
le plus sublime du mérite, acquerront des droits éternels
à la reconnaissance publique ^ honoreront, de la manière
la plus digne, le Dieu dont la bienfaisance est à l'égal
du pouvoir.
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Vous acquitterez une dette de la société entière.
En rétablissant les mœurs dans une classe qui a été le
ferment du vice, vous restituerez à la morale presque tout
ce que les efforts du libertinage et du crime lui ont enlevé;
vous influerez sur le bonheur public, comme un habile
médecin qui détruit dans un individu les causes de mort
qu'un poison dangereux y avait introduites.
Vous offrirez à l'humanité, dans votre vertu, une compensation de gloire bien faite pour balancer tout ce que la
turpitude des coupables déclarés et des égoistes, fait rejaillir d'injurieux sur elle.
Fait à Quimper, dans mon Hôtel, le 5 messidor de
l’an treize.
Par Monsieur le Préfet: Signé M I O L L I S.
Le secrétaire général Polluche