Guillaume le Berre
Lucien le Bail(1870-1874)
Lucien le Bail est né le 3 décembre 1828 à Pleyben (Finistère). Il est le fils de Roland le Bail ex-maire de Plozévet.
Il avait une dizaine d'année au moment où son père occupait le poste de maire. Il avait failli devenir maire en 1860, lorsque Pierre Julien,
ne souhaitant pas voir renouvelé son mandat, l'avait désigné comme le plus à même de prendre les rênes de la commune.
Il avait pris la succession de son père en 1855 comme notaire à Plozévet.
La chute du Second Empire et la proclamation de la III ème République vont entrainer la nomination de maires.
Les prussiens vont assiéger Paris, un gouvernement provisoire est institué.
Dans la foulée Lucien le Bail est nommé maire de Plozévet par le Préfet.
Voici la réponse qu'il fit au préfet le 18 septembre 1870. Dans ce courrier on apprend
que le maire en activité, Guillaume le Berre, à ce moment-là est souffrant et n'assure
plus sa présence à la mairie.
Plozévet le 18 septembre 1870
Monsieur le Préfet,
J'ai l'honneur de vous accuser réception de l'arrêté par lequel vous me nommez maire
de la commune de Plozévet.
Le renouvellement des conseil municipaux devant avoir lieu dimanche 25 courant et,
par suite les nominations des maires par ceux-ci je me suis un moment demandé
si je ne devais pas attendre la sanction de ce conseil avant de me faire installer.
Mais en présence de la situation critique dans laquelle nous nous trouvons et par
suite de la maladie de notre magistrat dont l'absence forcée de la mairie
semble laisser la commune exposée à des vélléités de désordre de la part de quelques uns
j'accepte dès à présent cette nomination qui, j'ai lieu de le penser, sera prochainement
ratifiée par mes concitoyens.
En tous cas soyez persuadé, Monsieur le Préfet, que mon concours et mon dévouement sont d'avance acquis
à un gouvernement qui poursuit avec tant d'ardeur ce but de tous, maintenir l'ordre à l'intérieur et expulser
l'ennemi de notre sol.
Agréez, Monsieur le Préfet, l'assurance de ma parfaite considération.
L. le Bail
Le 20 septembre 1870 Lucien le Bail est donc installé comme maire par arrêté du préfet du 16 septembre.
Lors du conseil municipal du 2 novembre il est question de la participation de Plozévet à l'effort de guerre. Il s'agit de fournir habillement et
armements aux troupes. La quote part de Plozévet est fixée à 6394 francs. Devant l'énormité de la somme certains membres frisent la crise d'apoplexie.
La somme dépasse ce qu'ils avaient imaginé. Beaucoup de conseiller répondent non :
"deux des conseillers municipaux ont répondus oui, quinze des conseillers et plus imposés ont répondu non. Les autres pour éviter de donner
leur réponse ont quitté la séance et les quinze membres sur 17 ont refusé d'accepter aucun mode de paiement de l'imposition de 6394frs
mise à la charge de la commune. Fait en mairie....""
Au final la commune paiera ... et disposera plus tard d'une cagnotte, car la guerre est terminée
fin janvier 1871 et l'argent n'aura pas le temps d'être utilisé.
Le 20 janvier 1871 le gouvernement de la Défense nationale capitule.
Début 1871 la défaite de la France est consommée.
Les 30 avril 1871 les conseils municipaux sont renouvelés, Lucien le Bail reste maire de la commune.
Lors de l'élection du 30 avril Yves le Goff obtient 354 voix, Lucien le Bail arrive en 14 ème position avec 292 voix.
Le 7 mai l'élection d'un membre du conseil municipal est effectué. Soixante dix votant élisent Corentin Burel (68 voix).
On se souvient de la rivalité qui avait opposé dans le passé Roland le Bail et la famille Guellec. Il semblerait que
celle-ci ne soit pas éteinte. En effet les sieurs Yves le Guellec, Le Bescond et Kérourédan vont déposer une réclamation
estimant que cette élection est invalide. Voici le courrier adressé au préfet :
Plozévet le 2 mai 1871
Monsieur le Préfet,
les soussignés font l'honneur de vous prier de vouloir bien annuler les élections municipales qu'on
eut lieu à Plozévet le dimanche 30 avrilpour les motifs ci-après.
1° Des citoyens n'ayant pas atteint l'âge de 21 ans ont été admis à voter
2° Des citoyens ayant perdus leurs droits civils ont été admis à voter
3° Au moment du dépouillement le secrétaire la communiccation de la liste électorale et il a été impossible
de vérifier si le nombre des votants était égal à celui des votesexprimés. Le dépouillement a aussi eu lieu
avant d'avoir constaté le nombre des votants.
4° La boite du scrutin n'était fermé qu'à une seule serrure.
5° Les conseillers se trouvent presque tous dans une seule section de la commune et pris parmis
les clients de M le Bail notaire et maire. Il y en a même jusqu'à 3 ou 4 du même village.
6° Il se trouve dans le conseil 6 à 8 beaux-frères.
7° L'affiche convoquant les électeurs a été déchirée avant le jour du scrutin et n'a pu être connu de publié (sic)
8° Les cartes d'électeurs distribuées dans une partie de la commune ne l'ont pas été dans l'autre et n'ont pas été
réclamées au moment du vote.
Yves le Guellec, Jean Kérourédan, Le Bescond.
La réponse de Lucien le Bail ne se fera pas attendre faisant remarquer que le desservant de la commune
a transporté la grand-messe dans une chapelle provoquant l'impossibilité d'aller voter pour certains
et que deux des plaignants étaient dans un état d'ébriété avancé ce jour-là :
Plozévet 14 mai 1871
M. Le préfet,
Les membre du bureau électoral de Plozévet soussignés ont l’honneur de vous faire connaître
leur réponse aux griefs contenus dans une protestation contre les élections
de cette commune, signée et adressée le 4 de ce mois à la Préfecture, par les
sieurs le Guellec Yves, Bescond Christophe, Kerourédan Jean, tous trois électeurs de Plozévet.
1er point : aucun individu au dessous de 21 ans n’a été admis à déposer son vote dans
cette journée, c’est le contraire qui a eu lieu.
En effet, pendant les opérations, de jeunes gens s’étant présentés au scrutin, ont été après constatation
de leur âge sur les registres de naissance de la mairie, consultés à l’instant,
renvoyés de la salle de vote. Ce sont les nommés Cudennec Michel et Lucas Auguste du bourg de Plozévet,
jeunes gens ayant tiré au sort cette année.
2° point. Aucun individu privé de ses droits civils n’a pris part à l’élection.
M. Le Procureur de la République ayant adressé préalablement aux opérations électorales,
des bulletins désignant individuellement les citoyens de cette commune qui se trouvaient dans cette
catégorie, une liste par ordre alphabétique en a été dressée comme double, par le maire, et exposée
à côté de l’urne, au yeux de tous, pendant la durée du scrutin.
3° point. Au moment du dépouillement, un seul individu, le sieur le Guellec, l'un des plaignants, a demandé
la liste électorale afin de voir si comme il le prétend dans la protestation du 2 mai,
le nombre des votants émargé correspondait avec le nombre des bulletins de vote existant
dans l’urne, et, malgré tout le mauvais vouloir dont il semblait animé, il a dû reconnaître,
en présence d’une vingtaine d’électeurs présents dans la salle, la régularité des opérations sur ce point.
4° point. La boîte servant d’urne ne possédait, il est vrai, qu’une seule serrure avec clef,
la seconde étant pour le moment dérangée, mais celle –ci était remplacée par une pointe scellée.
5° point. Quant à ce grief que les conseillers municipaux sont en grande partie les clients de l’étude de
M. Le Bail, nous nous permettrons de ne pas y répondre, il nous suffira de dire que tous
les conseillers élus se trouvaient, sauf un qui s’est retiré du conseil depuis longtemps,
faire partie du conseil élu en 1869. Que la partie de la commune que les plaignants
prétendent n’être pas suffisamment représentée possède dans ce conseil sept membres
dont trois ne savent ni lire ni écrire (c’est à dire les seuls du conseil tout à fait illetrés).
6° point. Quant aux membres que les plaignants persistent à considérer, malgré les explications qui leur ont
été données par le président le jour des élections, comme parents au degré prohibé,
ce sont les nommés Yves le Goff et Guillaume Kérourédan qui ont épousé les deux sœurs,
Alain strullu et Henri Colin qui se trouvent dans le même cas, enfin Noël le Hénaff et
François le Guellec ayant également épousé les deux sœurs.
7° point Il est faux que l’affiche de convocation pour les élections ait été déchirée. Outre ce mode d’appel aux
élections, la publicité a été donnée comme d’habitude, et à l’église et sur
la croix, à l’issue de la messe le dimanche qui a précédé et le jour même, au matin,
des élections. Si le nombre de ceux qui ont participé au vote ne s’est pas élevé
à plus de 354, la cause est que la grand-messe au lieu d’avoir lieu au chef-lieu
du bourg a été transportée ce jour dans une chapelle, à l’extrémité de la commune
par le desservant de la paroisse.
8° le garde champêtre a passé trois jours entiers a distribuer les cartes et prétend les avoir remises
le plus exactement possible aux électeurs.
Nous terminerons M. Le préfet en vous faisant connaître qu’avant de clore le procès-verbal des élections
ce même le Guellec était venu exprimer quelques uns de ces mêmes
griefs aux membres du bureau. Le Président lui a alors proposé de consigner
ses dires au procès-verbal s’il voulait signer sa déclaration, à quoi il s’est refusé,
préférant mettre en avant ses deux co-plaignants le Bescond Christophe et Kérourédan Jean.
Mais ceux-ci étant dans un état d’ébriété peu convenable, les membres du bureau ont été
tous d’avis de passer outre pour le moment.
Recevez M. Le préfet, l’assurance de notre parfaite considération.
[suivent les signatures de le Bail, Kerloch, Peuziat, Pouchon, Gourlaouen, ...]
Peu après Lucien le Bail réécrit au préfet pour lui expliquer les raisons de la réclamation des plaignants
qui selon lui ne sont pas dénués d'arrière-pensées :
Plozévet le 19 mai 1871
Monsieur le Préfet,
J'ai l'honneur de vous adresser ci-jointes les pièces relatives à la protestation le Guellec,Kerourédan et le Bescond,
contre les élections de Plozévet, du 30 avril dernier.
Non seulement ces trois protestants ne se soucient pas d’aller appuyer de leurs paroles
les faits par eux allégués dans la plainte qu’ils vous ont adressée le 4 mai courant mais
ils déclarent, par un écrit que je joins aux pièces en question, retirer leur protestation qui
n’a été conçue et formulée il paraîtrait,
De la part de le Guellec que sous l’inspiration d’une rancune personnelle qui trouve son explication dans
l’article cinq, je crois, de la protestation,
De la part des deux autres, que sous l’influence de celui –ci, toujours disposé, depuis 15 ans que je le vois à
l’œuvre, à entraver les efforts de l’administration municipale dans cette commune.
En tout cas et quoi qu'il soit décidé, M. Le préfet, je dois déclarer que, pour ce qui me concerne,
je n’accepte les fonctions qui viennent de m’être conférées à l’unanimité par mes concitoyens,
que comme une lourde charge dont j’aurais, je le crains, à me soulager à un moment donné.
Privé de santé depuis plus d’un an, je n’ai en effet accepté ces fonctions que pour des raisons majeures
qui s’imposaient à mon patriotisme, en présence surtout de la situation
si vacillante du pays dont le sort est aujourd’hui, autant que jamais,
soumis aux fluctuations du suffrage universel si facile à égarer dans nos campagnes.(*)
Recevez M. Le préfet l’assurance de ma parfaite considération
L le Bail
Lucien le Bail retrouvera manifestement la santé par la suite. Si on excepte une courte période, il sera maire de PLozévet jusqu'à son décès en 1898.
Leur réclamation sera rejetée par le conseil de préfecture le 31 mai. Comme dit dans la lettre ci-dessus, dans l'intervalle les protestataires
avaient officiellemnt retiré leur plainte.
L'année 1871 fut marquée par la fin de la guerre avec l'Allemagne mais aussi par de nombreuses épidémies plus ou moins liées aux mouvements et concentration des troupes. Il est bien connu que les épidémies provoquaient souvent plus de morts que les combats eux-mêmes.
A Plozévet c'est l'épidémie la plus terrible jamais vue qui va règner pendant plus de 6 mois. Cette épidémie toucha principalement les enfants et les adolescents.
Il s'agit peut-être d'une épidémie de rougeole comme celle qui avait sévi l'année précédente à Pont-Croix ou encore la variole ou la thyphoïde qui étaient à cette période quasi endémiques.
Si on a la curiosité de jeter un oeil sur la courbe des décès du 19 ème siècle à partir de 1823, l'année 1871 ressort de manière très significative :
On ne retrouve pas dans les délibérations du conseil municipal d'allusion à cette épidémie sinon par le vote, le 13 août 1871,
d'une somme de 39 francs pour l'ajout de 26 feuilles de timbre destinées à servir de supplément aux registres de l'état-civil pour l'année 1871.
Il ne semble pas que la préfecture en ait été informée, non plus.
L'épidémie qui débute en novembre-décembre 1870 sera particulièrement longue puisqu'elle se termine en juin-juillet 1871.
Ci-dessous le rapport qui établit les différentes épidémies qui ont touchées la France dans les périodes 1870 à 1872. Ces rapports sont très incomplets
du fait du nombre de départements qui ne renvoient aucune information. En règle générale les épidémies de variole, de fièvre thyphoïde et de rougeole
sont de très loin les plus impactantes. Il est a noter que les maires sont censés remonter vers la préfecture les informations concernant les épidémies dont leur commune est la victime.
Rapport sur les épidémies de 1870 à 1872
En octobre 1872 Lucien le Bail se plaint, au préfet Pihoret, du garde-champêtre qui d'une part ne remplit plus
son emploi et qui refuse de démissionner.
Le sieur Jaffry se plaint que la somme totale correspondant aux travaux de construction de la maison d'école
ne lui ont pas été totalement payés.
Le sujet du cimetière revient sur le devant de la scène le 16 octobre 1878. Le maire considère qu'il est
mal situé et :
Ce cimetière, en effet, situé au centre du bourg, présente à peine, dans sa partie consacrée aux tombes,
une surface de 526 m2, le surplus du terrain, qui est de 200m2 environ, étant pris par les allées et aussi par une
source d'eau ou fontaine, d'une grande abondance, où une grande partie des habitants du bourg vient s'approvisionner
pour les besoins des ménages.
Il estime que trouver un autre terrain est indispensable surtout du fait des risques qu'il fait courir pendant
les épidémies. Mais rien de concret ne sera fait avant le début du 20 ème siècle.
En mai 1872 le conseil municipal se penche sur la demande du conseil de fabrique qui sollicite une aide pour assurer le traitement d'un deuxième vicaire. Le traitement de ce 2ème vicaire serait de 350 frs.
Le conseil répond que la fabrique devrait arriver à assurer seule ce traitement, en effet les ressources de la commune sont faibles ce qui déjà reporte certains projets
pourtant indispensables.
La préfecture envoie au commune des directives pour la construction d'écoles de garçons dirigées par des instituteurs.
Fin 1872 le conseil vote à l'unanimité une somme de 20 francs pour participer au concours d'animaux de boucherie qui se tient à Quimper.
Mr Douenne, garde-champêtre fini par démissionner, le conseil propose de le remplacer par le cantonnier qui pourrait également occuper ces fonctions.
On se rappelle que la commune avait payée en 1870 une taxe spéciale. Celle-ci est en fait disponible, ce qui fait que la commune dispose d'une cagnotte. Le conseil affecte ces fonds à différents postes :
- remboursement du solde de la maison d'école: 1500 frs
- agrandissement du cimetière : 2000 frs
- réparation des chemins : 2500 frs
- Etablissement d'une pompe : 150 frs
- achat d'un mobilier pour école: 999 frs
Dans la séance du 15 février 1873, il est fait allusion à la forte tempête qui a sévi et qui a fait des dégats
considérables sur la toiture de l'école. Il faudrait 200 frs pour effectuer ces réparations qui sont urgentes. Une demande de subvention est faite au préfet.
A ce moment là il reste dû à l'entrepreneur Jaffry 2877,33 frs au titre des travaux réalisés pour l'école.
Le maire se fait l'interprète des cultivateurs de la commune qui protestent contre la
création de fours à goëmeon qui privent les sols d'un engrais nécessaire.
Le 24 mai 1873, Adolphe Thiers démissionne de la présidence de la République et est remplacé par Mac-Mahon.
En janvier 1874, le gouvernement 'réactionnaire' redonne au pouvoir central le droit de nommer les maires.
Les élections sont fixées aux 22 et 29 novembre 1874. Les préfets ont la consigne de remplacer autant de
maires que nécessaire et donc de les choisir de la couleur politique voulue.
Le 23 février 1874 un nouveau maire, nommé par arrêté préfectoral, Yves le Goff, est installé. C'est Noël le Henaff qui, en tant que premier
conseiller municipal dans l'ordre du tableau, l'installe et non Lucien le Bail.
Guillaume le Berre