Epidémies

Le 19ème siècle a été parsemé d'épidémies qui sont apparues régulièrement. Si l'on observe la courbe des décès on notera que l'année 1829, celle dont Pierre perrot se plaignit tant, subit une épidémie particulièrement sévère. Elle est suivie de celle de 1837 et de celle de 1857. Ces épidémies pouvaient provoquer une augmentation des décès de 30%.

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Ci-dessous un rapport en date du 7 mars 1851 concernant la commune de PLovan et qui parle des conditions d'hygiène qui y règnent. La fièvre intermittente pernicieuse ou fièvre des marais, correspond au paludisme et pouvait être traitée par des infusions d'écorce de quinquina et ceci depuis la fin du 17eme siècle.

Archives départementales Quimper 5M art. 40 (ref : AAH :106)

Monsieur le préfet,
Depuis le premier janvier il y a eu 21 décès dans la commune de Plovan. La moyenne pour toute l'année en temps ordinaire est de 40 décès pour une population de 1450. Pour me rendre compte des causes de cette grande mortalité et de la nature des maladies, j'ai interrogé longuement le maire, le curé, le médecin étant très rarement appelé dans le pays. D'après ces informations le plus grand nombre de décès s'est produit chez des pauvres souffreteux qui n'ont pas pu résister à la persistance du froid. Puis on m'a cité cinq ou six cas de morts survenus après 24 ou 48 heures de maladie. Il y a lieu de supposer que ceux-ci sont dus à la fièvre intermittente pernicieuse car dans cette contrée le miasme paludéen est particulièrement dangereux.
Quant à la fièvre typhoïde qu'on nous avait signalé, Monsieur le préfet, dans l'école communale, c'est une erreur d'interprétation.
Sur le moment six enfants sont absents de l'école pour maladies diverses, angines légères, embarras gastriques aucun d'eux n'est sérieusement malade.

D'autres qui étaient rentrés chez eux indisposés sont rentrés après 8 à 15 jours. Au bourg même où il y a 100 habitants j'ai vu quelques tous jeunes enfants indisposés sans caractère typhoïde. Un enfant de 10 ans y est mort il y a quelques semaines on ne sait pas de quelle maladie. Mais dans le village de Crugen [???contre] le bourg, la femme est morte le 3 janvier et son fils qui fréquentait l'école est mort le 26 février, tous les deux après 20 ou 25 jours de maladie. D'après mes informations je suis porté à croire que les deux ont succombé à la fièvre typhoïde. Dans le village aucune autre maladie. Il y a dans ce village 12 habitants.
Dans un village voisin un homme de 30 ans qu'on me disait très malade, aussi de fièvre typhoïde, est en pleine convalescence sans fièvre, mangeant avec appétit et parlant de se lever. Il n'est malade que depuis 10 jours c'était un simple embarras gastrique. Dans le village de Crugen la mère et le fils sont morts dans le même lit. Le maire de la commune va veiller à ce que la paillasse soit brûlée et à ce que tout le linge ayant servi aux malades soit passé à l'eau bouillante. Dans ce village comme partout dans la contrée il n'y a d'autre eau que celle d'un puits. C'est elle qu'on boit et qui sert à tous les usages domestiques mais le puits est particulièrement dangereux, une mare d'eau corrompue et qui ne tarit que l'été n'est éloignée que de 2 à 3 mètres. J'ai tâché de leur faire comprendre qu'ils ont tout intérêt à la combler mais je ne suis pas sûr d'être écouté.
Ce pays qui est si riche, avec sa terre d'une fertilité surprenante, se trouve dans des conditions hygiéniques déplorables malgré son voisinage immédiat de la mer. Il n'a pas d'eau de source. Pour tous leurs besoins ils n'ont que de l'eau de puits et comme le fond du sol et surtout argileux de grandes mares d'eaux croupies se rencontrent à chaque pas. Aussi la fièvre intermittente y est-elle à demeure.
Je n'ai pas manqué de fixer, sur ces conditions fâcheuses, l'attention du maire et d'insister pour qu'il engage à combler ces mares et à vider souvent les puits pour les nettoyer.
Au curé qui lui du moins est appelé près des malades, si l'on se dispense d'avoir recours aux lumières du médecin, j'ai fait connaître que les épidémies de fièvre typhoïde ont pour cause presque constante l'infection, des eaux que l'on boit, par les infiltrations des déjections du typhique et que par conséquent ces déjections devaient être enfouies loin du puits dans des trous pratiqués exprès dans la terre. Il m'a dit qu'il tiendrait bonne note de mes observations.
Ces mauvaises conditions hygiéniques provenant des nombreuses mares d'eau putride, du manque d'eau de source et de la nécessité de recourir à l'eau de puits étaient encore singulièrement aggravées jusqu'ici par un grand marais d'eau saumâtre qui de la mer s'étendait à un ??? dans les terres et dans lequel l'eau de mer pénétrait à chaque marée. Ce marais avait une superficie de 60 hectares. Fort heureusement un homme intelligent initié et bien inspiré a eu l'idée de le dessecher et de le mettre en culture. Il en a fait l'acquisition de l'Etat il y a 3 ans et il s'est mis à l'oeuvre avec un succès complet. Une grande digue très solide arrête les eaux de la mer et de nombreuses tranchées conduisent les eaux douces, à travers la digue à la mer. Au lieu de 60 hectares il n'y a plus que 6 hectares de marais. L'année dernière il a eu dans les marais desséchés de beaux produits en légumes et céréales. Pour la fin de l'année il assure que le reste sera converti en bonnes prairies. Je vous prie d'agréer Monsieur le Préfet, l'assurance de mon respect.
le 7 mars 1851.

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Je n'ai pu trouver quel est le mot qui est écrit devant 'dans les terres'

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Voici une lettre du juge de Paix de Pont-Croix faisant état d'une épidémie de rougeole sévissant dans cette ville en 1870.

Archives départementales Quimper 5M art. 43 (ref : 128)

Pont-Croix le 4 mars 1870,

Monsieur le préfet,

L'épidémie émanante par suite de rougeole, sévit cruellement depuis 5 à 6 semaines, sur les enfants de Pont-Croix ; 37 décès depuis cette époque.
Monsieur Chauvel docteur médecin à Quimper, délégué par l'administration, dans ces tristes circonstances a fait, ces jours derniers, une simple apparition à Pont-Croix ; simple consolation aussi pour les familles ; car de jeunes victimes sont frappées journellement.
Ce n'est pas, Monsieur le Préfet, comme magistrat que j'ai l'honneur de vous faire cet exposé, mais c'est en père de famille qui a depuis trois semaines au moins, trois petits êtres atteints de cette maladie ; les deux premiers sont mieux, le troisième est très mal. Nous avons un docteur médecin à Pont-Croix, mais malheuresement cet homme est non seulement un peu insouciant, mais susceptible, lorsqu'un médecin étranger vient voir la famille désolée à titre d'ami, c'est ce qui a eu lieu chez moi et dans d'autres maisons à Pont-Croix.
Un de mes enfants est mourant, l'homme de lart refuse de venir à domicile pour donner des soins à ce petit être...
Malgré, Monsieur le Préfet, que la profession de médecin soit libérale, d'après la loi organique, n'y a t-il pas à côté de cette législation, la question d'humanité et ce édictée par la loi 19 ventose an 1X (note 1).
Je laisse à la sagesse de l'administration, d'apprécier s'il y a lieu d'envoyer provisoirement à Pont-Croix, un médecin pour surveiller et prêter assistance aux pauvres enfants qui de jour en jour disparaissent par suite de rougeole avec complications.
Veuillez agréer, Monsieur le Préfet,l'assurance de mes sentiments respectueux.
[Signature] Dah'orn [???] juge de Paix

note 1 : il fait sans-doute réference à la loi du 19 ventose an XI (10 mars 1803) relative à l'exercice de la médecine qui met fin à la liberté d'exercer la médecine sans diplome. Elle indique les règles pour être docteur en médecine ou officier de santé.
On peut rappeler que le décret du 18 août 1792 avait supprimé les universités, les facultés et les corporations savantes et qu'il n'y avait plus de réception régulière de médecins ni de chirurgiens.
Dans le décret du 19 ventose il est dit :
" il y a sans doute plus de mal et d'abus encore depuis que ces épreuves sont abolies, depuis qu'il n'existe plus ni examen ni réception , depuis qu'il est permis à tout homme sans études, sans lumières, sans instruction d'exercer et de pratiquer la médecine et la chirurgie ... tout le monde convient donc aujourd'hui de la nécessité de rétablir les examens et les réceptions.

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Pourtant rien n'égalera en ampleur les épidémies des années 1871 et 1881. Il suffit d'un coup d'oeil à la courbe ci-dessous pour remarquer immédiatement ces deux anomalies.

On pourrait imaginer que l'augmentation des décès en 1871 est due à la guerre de 1870 qui se terminait en janvier 1871. On peut bien sûr imaginer que la concentration des troupes dans l'Est de la France ait favorisé, par la promiscuité engendrée, des foyers infectieux qui se seraient, ensuite propagés lors du retour des militaires, mais il n'en est rien. D'ailleurs pour s'en convaincre il suffit de regarder sur cette même courbe l'effet de la première guerre mondiale sur la mortalité à Plozévet : une petite bosse, alors qu'est venue se rajouter la-dessus la grippe espagnole. Les années 1871 et 1881 sont vraiment particulières. Si on se plonge dans les archives rien, à ma connaissance, ne ressort qui donnerait une explication à cette mortalité inhabituelle. On passe brutalement de 80 à 100 décès à 290 !

La seule allusion qu'on trouve dans les délibérations du conseil municipal porte simplement sur la mise au budget de quelques feuilles à timbre pour les registres de l'état-civil.

Les maladies qui sévissaient au 19 ème siècles étaient nombreuses, rougeole, variole, grippes, fièvres thyphoïdes, etc... on a que l'embarras du choix.

Si on a la curiosité de regarder qui mourrait en ce premier semestre 1871, on est frappé par l'âge des décédés. Ce ne sont pratiquement que de très jeunes enfants ou des adolescents. Le nombre de personnes agées est relativement faible dans le lot.

On sait par ailleurs que Pont-Croix avait, l'année précédente, expédié un rapport au préfet du Finistère pour faire état d'une épidémie de rougeole qui avait sévi sur sa commune. On peut donc très bien imaginer qu'une telle épidémie se soit propagée l'année suivante à Plozévet. Mais il me semble que ces trop nombreux décès auraient dû faire l'objet d'un rapport à la préfecture.

Cette épidémie de 1871 commence en fait fin 70 en novembre et se poursuivra jusqu'en juillet de l'année suivante. Elle touchera principalement de très jeunes enfants. On peut supposer qu'il s'agissait d'une épidémie de maladie infantile. Le tableau qui suit donne la répartition par âge des décédés. Tout le village ne sera pas touché, ce sont principalement les zones correspondant au Bourg (avec Lesplozevet), Brumphuez, la Trinité, Kerlaeron et Kervinou qui pairont le plus lourd tribut, comme le montre le tableau de répartion des décès par hameau.

On sait qu'en septembre 1881 (voir 'le Finistère') un crédit de 6000 frs fut accordé par le Conseil Général pour favoriser la propagation de la vaccine "pour subvenir aux misères résultant de l'épidémie de variole" qui avait sévie.

On sait par ailleurs que la soeur de Marie-Anne Gentric la future centenaire, Catherine fut durement touchée par ces deux épisodes épidémiques. Quand la rougeole touchait un enfant, très souvent, elle atteignait aussi ses proches du fait de la promiscuité qui régnait dans les familles.

La courbe des décès, de la période 1807-1929,ci-dessous met en évidence les années où des épidémies ont sévi.

On notera, outre 1871 et 1881, les années 1822, 1829, 1857, 1864, 1870, 1888, 1891. Même la grippe espagnole, de triste mémoire, qui a sévi à la fin de la guerre de 14, n'a pas eu un impact comparable.

Dans la même période la population de Plozévet est passée d'environ 2200 hab. au début du 19 ème siècle à environ 4700 hab en 1911, soit une population qui a doublé. La très forte natalité a compensé cette mortalité due en partie aux conditions d'hygiène peu favorables.

En rouge on trouve une courbe de tendance.

courbe des décès entre 1807 et 1929
Courbe des décès de Plozévet

Sur le site concernant Marie-Anne Gentric on peut trouver d'autres informations.

Autre site portant sur les épidémies

Une épidémie de dysentrie à Landeleau vers 1798.

L'épidémie de Landeleau.