Le naufrage du Frisia ou Frésia vu par l'Ouest-Eclair

Le naufrage du Frésia

L'Ouest-Eclair du 18 décembre 1901

Naufrage d'un trois mâts

Brest 17 décembre.
Le trois-mât allemand Frisia, qui s'était échoué hier soir sur la côte de Penmarc'h s'est complètement brisé sur les ro[chers]à un mille du sémaphore.

De nombreuses épaves viennent à la côte. On croit que l'équipage est sauvé.

Je n'ai pas trouvé plus d'informations concernant le naufrage lui-même. On arrive donc au procès qui se tient en 1903 à Quimper.

L'Ouest-Eclair du 18 juillet 1903

Pilleurs d'épaves

47 inculpés en correctionnelle

Quimper, 17 juillet.

— Mardi prochain doit venir en audience correctionnelle une vieille affaire, qui ne comprend pas moins de 47 inculpés, poursuivis pour vol d'épaves et complicité par recel.

Voici les faits exposés très brièvement. Dans le courant du mois de novembre 1901, Il s'agit du mois de décembre 1901 un navire de nationalité allemande, le vapeur Frésia, chargé de fûts d'essence de thérébentine était jeté à la côte de Pemnarc'h où il ne tarda pas être démoli sous l'effort de la tempête.

Les riverains, pour obéir à une habitude qui n'a pas encore totalement disparue, se précipitèrent sur la grève et s'emparèrent d'une grande quantité du fûts naufragés qu'ils vendirent à des marchands de Pont-Croix et que ceux-ci revendirent à des marchands en gros.

Cette affaire, qui doit occuper, à elle seule, l'audience correctionnelle se prolongera assez tard dans la nuit si elle n'occupe pas deux audiences.

Les débâts auront lieu dans la salle des assises, la salle des audiences correctionnelles étant trop petite pour la quantité des prévenus.

L'instruction de ce procès a été très laborieuse, à cause des conditions dans lesquelles les faits ont été révélés, bien tardivement, à la justice.

Les débats promettent d'être intéressants, car il est facile de prévoir que les avocats ne manqueront pas de faire ressortir le manque de vigilance des agents de la douane et de la marine.

L'Ouest-Eclair du 23 décembre 1903

Quarante-sept prévenus en correctionnelle.

— Des marchands peu scrupuleux. L'interrogatoire. — réquisitoire et plaidoiries. — L'affaire continue.

C'est hier mardi que se sont ouverts, devant le tribunal correctionnel de Quimper, les débats de cette affaire de pilleurs d'épaves, dont nous avons déjà entretenu nos lecteurs, et que nous allons rappeler en quelques mots. Au mois de décembre dernier, Il s'agit du mois de décembre 1901 et non 1902 au cours d'une tempête, le vapeur allemand Frésia fut jeté sur les côtes de Penmarc'h. Ce navire était chargé de fûts d'essence de térébenthine dont des riverains sans scrupules s'emparèrent.

Les inculpés sont au nombre de quarante-sept.

Les uns sont de pauvres paysans, les autres des marins-pécheurs, riverains des lieux où le sinistre s'est produit et qui n'ignoraient pas que les épaves trouvées à la côte ne pouvaient être leur propriété et qu'ils devaient en faire la déclaration à l'administration de la marine dans le délai de 24 heures.

Les uns ont recueilli un fût, les autres en ont plusieurs. Parmi eux il en est qui les ont revendus à des commerçants de Pont-Croix, qui forment la 2e catégorie des accusés.

Si la douane et la marine ont montré une certaine négligence qui a permis de faire ce commerce pour ainsi dire à découvert, les acheteurs de fûts n'en ignoraient pas la provenance. C'est ainsi qu'une grande quantité de fûts ont été expédiés par voie de terre et voie ferrée. Une seule personne de celles qui ont acheté directement avec les commerçants de Pont-Croix, est prévenue de complicité par recel, les faits relevés par l'instruction ayant permis de conclure qu'elle ne pouvait ignorer la provenance frauduleuse de ce qu'elle achetait. C'est Mme veuve Le Joncour, de Brest.

Un des riverains n'ayant recueilli qu'un fût plein et en ayant trouvé un vide le remplit d'eau et le vendît à un M. Albaret comme fût d'essence de térébenthine. M. Albaret l'expédia à son tour à un des négociants avec lequel il s'était abouché. Mais le madré compère n'est pas poursuivi pour ce fait, M. Albaret prudemment n'ayant pas jugé bon de porter plainte. Il est inculpé de vol d'épaves.

Voici les noms des prévenus de vols de fûts.

Yves Pérennou, 37 ans, cultivateur ; Henri Penven, 25 ans, journalier ; Sébastien Moris, 38 ans, cultivateur ; Jacques Strullu, 30 ans, charron ; Pierre Legoff, 57 ans, journalier ; François Lautridon, 33 ans, marin- pêcheur ; Daniel Ladouce, 14 ans,cutivateur; Jean Scuiller,41 ans, cultivateur ; Guillaume Le Bourdon, 21 ans, cultivateur ; Jean Penven, 39 ans,cultivateur; Jean Gadonna, 35 ans, cultivateur.

Henri Marzin, 43 ans, cultivateur ; Hervé Mazo, 31 ans, cultivateur; Daniel Le Goff, 30 ans, cultivateur ; Joseph Le Bescond, 31 ans, journalier ; Jean Lapart, 51 ans, cultivateur ; Alain Cabillic, 27 ans, cultivateur; Yves Donnart, 46 ans, cultivateur; Jean Autret, 45 ans, cultivateur ; Henri Bourdon, 40 ans, marin-pêcheur ; Pierre André, 66 ans, cultivateur; Joseph André, 35 ans, cultivateur. Pierre André, 40 ans, journalier; François Cabillic, 40 ans, cultivateur; Mathieu Quéré, 48 ans, cultivateur; Alain Goascoff, 16 ans, cultivateur, demeurant tous a Plozévet ; Daniel Perrot, 47 ans, cultivateur, à Pratanabec, Prat Alec peut-être en Beuzec-Cap-Sizun; Pierre Penven, 24 ans, manoeuvres, ayant demeuré à Plozévet, actuellement habitant Nantes.

Les prévenus poursuivis pour recel sont : Félix Albaret, 51 ans, ferblantier à Pont-Croix ; Henri Kervarec, 49 ans, vitrier à Pont-Croix ; Henri Gadonna, 20 ans, peintre à Pont-Croix ; Henri Pichavant, 22 ans, serrurier à Pont Croix ; Henri Colin, 53 ans, forgeron à Plouhinec ; Philomène Dévanach, 44 ans, ménagère à Pont-Croix ; Jean Trévidic, 59 ans, journalier à Pont-Croix.

Guillaume Hémon, 40 ans. peintre à Audierne ; Paul Colin, 44 ans, charretier Kerdreff, en Plouhinec ; René Douririn, 51 ans, commerçant ; Allain Strullu, 38 ans, cultivateur ; Pierre Foiner, 41 ans, sabotier ; Toussaint Basty, 41 ans, cultivateur ; Alain Gourret. 35 ans, journalier, habitant tous les cinq à Plozévet.

Léon Carpentier, 57 ans, représentant de commerce à Douarnenez ; Pierre Le Cloarec, 36 ans, peintre à Pouldavid ; Anatole Quilivit, 41 ans, peintre 4 Douarnenez ; Jean Quéméner, 21 ans ayant demeuré à Plozévet actuellement marin de l'Etat ; Anna Vérine veuve Le Joncour, commerçante à Brest.

L'interrogatoire

Les prévenus répondent tous à l'appel de leur nom sauf Henri Penven qui accomplit une période de réserve. Jean Qnéméner qui est au service à Toulon et François Cabalic qui n'a fait valoir aucune excuse.

Il est procédé à l'interrogatoire qui n'offre rien de particulier, sauf celui de Mme Le Joncour, de Brest, qui déclare n'avoir pas eu connaissance de l'origine frauduleuse des fûts dont elle a fait l'acquisition. Son fils qui voyage pour sa maison l'ignorait également. Mme Le Joncour dit qu'elle ne soupçonnait point l'honorabilité de M. Albaret avec qui elle fait des affaires depuis vingt-cinq ans. Elle a cru comprendre que celui-ci avait acquis cette marchandise dans une vente effectuée par la marine. Mme Le Joncour proteste énergiquement de sa bonne foi qui aurait été surprise. Elle a payé les lots 50 fr. les 100 kilos. À une époque voisine elle en avait acheté à Bordeaux 64 fr. les 100 kilos non compris le transport. Mme Le Joncour ajoute qu'elle avait reçu de M. Albaret un échantillon d'essence, et que cette essence était avariée, par suite avait perdu de sa valeur marchande.

M. Albaret en réponse à ces déclarations dit qu'il avait acheté les cinquantes fûts à raison do 45 à 60 fr. pièce et les avait revendus à Mme Le Joncour moyennant 80 fr.

Il prétend avoir avisé Mme La Joncour par l'intermédiaire de son fils de la provenance frauduleuse de cette marchandise. Ses déclarations semblent quelque peu embrouillées.

Le réquisitoire

Les interrogatoires terminés, M. Mauranges, substitut du procureur de la République. prononce son réquisitoire. Il divise les accusés en trois catégories. La première comprend les pêcheurs et riverains qui ont recueilli les épaves, " ce ne sont pas eux les plus coupables " dit-il, et il conclut en demandant pour eux toute l'indulgence possible du tribunal et l'application de l'ordonnance de 1680.

la deuxième catégorie englobe ceux qui ont opéré le transport des fûts, qui eux n'ignoraient pas la provenance de cette marchandise et demande à ce qu'ils soient retenus comme complice ayant agi avec pleine et entière connaissance de cause.

Après avoir passé rapidement, Me Maunages s'appesantit sur les conditions invraisemblables dans lesquelles ont effectué leurs achats les marchands qui ne pouvaient avoir aucun doute sur la provenance de cette marchandise qu'ils achetaient contre lesquels il réclame une peine plus sévère.

Parlant de Mme La Joncour, le substitut dit que sa réputation commerciale avait été jusqu'ici irréprochable, mais il estime, connaissant la provenance illicite de ce qu'elle achetait, elle a fait taire ses scrupules pour réaliser un gros bénéfice.

Les plaidoiries

Me de Chamaillard prend la parole pour Kervarec, Paul Colin, Strullu, Alain et Henri Colin.

Si le tribunal adopte l'application seule de l'ordonnance de 1680 réclamée par le ministère public contre ceux qui ont recueilli des épaves, ses clients Kervarec, et Paul Colin qui ont transporté l'essence devront être relaxés, la complicité n'existant pas en matière de contravention. Pour les deux autres il réclame l'indulgence du tribunal.

M. de Chamaillard fait ressortir l'inertie de l'administration de la marine et de la douane. Il s'étonne de voir cette marchandise qoc l'on déclare frauduleuse, de provenance illicite, circuler le Jour et la unit dans des charrettes et des voitures devant les yeux de l'administration.

M Le Bail qui défend 31 des inculpés s'associe aux considérations qu'a fait valoir Me de Cbamaillard. Il termine en disant que ses clients sont des malheureux, qu'ils sont honnêtes et n'ont pas voulu voler. Il conclut à l'acquittement de plusieurs de ses clients dont la culpabilité n'est pas démontrée.

Plusieurs avocats restant encore à entendre, l'audience est levée à 6 h. 1/2 du soir et renvoyée à aujourd'hui midi 1/2.

L'Ouest-Eclair du 24 juillet 1903

Les pilleurs d'épaves de Penmarc'h.

2eme journée — Les plaidoiries — A mardi le jugement.

À midi 1/2 l'audience est ouverte devant un public aussi nombreux.

M. Le Diberder, avocat des prévenus Albaret, Carpentier, Quilévit et Douririn, prend la parole

L'honorable défenseur est heureux de constater que le ministère public a paru abandonner les poursuites pour vol d'épaves contre les auteurs principaux Il demande à ce que ses clients soient relaxés.

Tour à tour Me Verehin du barreau de Quimper et Feillard du barreau de Brest, ce dernier pour Mme Joncour s'efforcent de prouver au tribunal l'innocence de leurs clients.

À 3 heures les plaidoiries prennent fin. L'affaire est mise en délibèré et le président annonce que le jugement sera rendu à l'audience de mardi prochain.

L'Ouest-Eclair du 24 juillet 1903

Les pilleurs d'épaves de Penmarc'h.

Le tribunal de Quimper vient de prononcer le jugement suivant dans la fameuse affaire des pilleurs d'épaves de la Frésia :

Accusés poursuivis comme auteurs : deux mousses, âgés de moins de seize ans, Alain Goascoz et Douce Daniel, sont acquittés comme ayant agi sans discernement et remis à leurs parents.

Trois autres mousses, Henri Lapport, Hervé Mazo et Jean Quéméner, sont acquittés purement et simplement. Sont condamnes : Pierre André père, Joseph André, Pierre André fils, Jean Autret, Joseph Bescond, Henri Bourdon, Guillaume Bourdon, Alain Cabillic, François Cabillic, Yves Donnart, Jean-Louis Gadonna, François Lautrédou, Daniel Le Goff, Pierre Le Goff, Henri Marzin, Sébastien Moris, Henri Penven, Jean Penven, Pierre Penven, Yves Pérennou, Daniel Perrot, Mathias Quéré, Jean Scuiller, Jacques Strullu, chacun à 10 jours de prison et 85 francs d'amende; René Donirin, à 10 jours et 50 francs d'amende; tous avec sursis quant à la prison seulement, à l'exception de Pierre André père.

Accusés poursuivis comme complices: Félix Albaret, un mois et 500 francs ; Toussaint Basty, 10 jours et 25 francs ; Léon Carpentier, 15 jours et 100 francs ; Pierre Cloarec, 10 jours et 50 francs ; Henri Colin, 10 jours et 100 francs ; Pierre Pomer, 10 jours et 50 francs ; Henri Gadonna, 500 francs ; Alain Gourret, 10 jours et 50 francs ; Guillaume Hémon, 10 jours et 50 francs ; Henri Pichavand, 15 jours et 200 françs ; Anatole-Quillivic, 10 jours et 50 francs ; Alain Strullu, 10 jours et 100 francs. Tous avec sursis pour la prison, à l'exception d'Albaret et d'Henry Colin.

Paul Colin, Philomène Divanach, Henri Kervarec, Yves Trévidic el Anna Vérine sont acquittés.

Tous les condamnés supporteront les frais, chacun pour sa part.